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Définition des situations de violences, aspect législatif, moyen d’identification

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Définition des situations de violences, aspect législatif, moyen d’identification

La violence en milieu universitaire ou professionnel peut prendre différentes formes. Celles présentées dans cette page représentent celles qui sont les plus documentées dans la littérature. Cependant, ces formes de violence ne sont pas mutuellement exclusives, en ce sens que différentes formes peuvent se retrouver comprises sous une autre forme ; par exemple, le harcèlement psychologique qui peut inclure de la violence verbale et du harcèlement sexuel.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’OIT définissent le concept de violence physique comme l’usage de la force physique contre une autre personne ou un groupe de personnes, qui entraîne un préjudice physique, sexuel ou psychologique. Sont visés, entre autres, les coups, coups de pied, gifles, coups de couteau, coups de feu, bousculades, morsures et pinçage.

Des auteurs·trices ont noté que certaines études sur la violence physique ne différencient pas la violence infligée et les menaces de violence physique proférées. Conceptuellement, il s’agit de deux catégories distinctes, la première ayant potentiellement des conséquences physiques et psychologiques, alors que la seconde peut engendrer principalement des conséquences sur le plan psychologique.

Une étude du Royaume-Uni portant sur les agressions physiques en milieu de travail montre que 4,9 % des travailleurs·euses rapportent avoir vécu une expérience de violence physique au travail au cours des deux dernières années, et certains·es d’entre eux/elles sur une base régulière. Selon cette étude, les femmes sont proportionnellement plus nombreuses que les hommes à être exposées à la violence physique au travail. Également, les travailleurs·euses homosexuels·les ou bisexuels·les sont proportionnellement plus nombreux·euses à être exposés·es à la violence physique au travail que les travailleurs·euses hétérosexuels·les. Les travailleurs·euses ayant une déficience physique, intellectuelle ou psychologique sont aussi proportionnellement plus nombreux·euses à rapporter avoir vécu de la violence physique, comparativement aux travailleurs·euses sans déficience.

Le concept de harcèlement psychologique réfère à :

  • Des actions et des conduites répétées et dirigées contre un·e ou plusieurs travailleurs·euses 
  • Non-désirées par la victime 
  • Commises délibérément ou inconsciemment
  • Entraînent manifestement de l’humiliation, une offense ou de la détresse
  • Peuvent interférer avec la performance au travail ou engendrer un environnement de travail désagréable.

Bien qu’il n’y ait pas de définition commune de la violence verbale au travail dans les différents écrits recensés, la majorité des définitions incluent les concepts de menaces, d’insultes, et parfois de communications orales visant à humilier ou dénigrer la victime. Une perspective de genre révèle que la majorité des études portant sur la violence verbale en milieu de travail ne permettent pas de conclure à une différence entre les genres.

Le concept de menace peut être défini comme une « menace de mort, ou annonce de l’intention de faire du mal à quelqu’un ou d’endommager ses biens matériels », mais aussi comme la « promesse de recourir à la force physique ou au pouvoir (force psychologique) entraînant la crainte de dommages physiques, sexuels ou psychologiques ou d’autres conséquences négatives pour les personnes ou les groupes visés ».

Les définitions du harcèlement sexuel contiennent les éléments suivants : 1) (« quid pro quo ») : tout comportement non désiré à connotation sexuelle s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, ou tout autre comportement fondé sur le sexe, ayant pour effet de porter atteinte à la dignité de femmes et d’hommes, qui n’est pas bienvenu, déraisonnable et offense la personne; et le rejet d’une telle conduite par une personne, ou sa soumission à cette conduite, est utilisé de manière explicite ou implicite comme base d’une décision qui affecte son travail; 2) (environnement de travail hostile) : une conduite qui a pour effet de créer un environnement de travail intimidant, hostile ou humiliant pour une personne .

La définition de l’article 2 de la Directive européenne (2002/73/EC) va dans le même sens en définissant le concept comme suit : « là où toute forme de conduite à caractère sexuel non désirée survient, qu’elle soit verbale, non verbale ou physique, dans le but ou ayant l’effet de porter atteinte à la dignité d’une personne, en particulier lorsqu’il y a création d’un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

Le harcèlement sexuel en milieu de travail est un phénomène sous-déclaré pouvant se chevaucher avec d’autres formes de violence ou être inclus dans le concept plus large de harcèlement psychologique, en particulier si les victimes sont stigmatisées lorsqu’elles se plaignent de harcèlement sexuel. Les recherches montrent que la grande majorité des victimes de harcèlement sexuel sont des femmes, alors que les harceleurs·euses sont majoritairement des hommes. Cependant, il ne faut pas passer sous silence le fait qu’il y a des cas de harcèlement sexuel où les victimes sont des hommes, et où les harceleurs·euses sont des femmes ou des hommes.

Le harcèlement discriminatoire est une forme de harcèlement psychologique dirigée contre une personne en raison de motifs discriminatoires. Il s’agit d’un phénomène interdit en France. La législation requiert normalement qu’il soit démontré que le harcèlement est lié à une catégorie ciblée comme interdite de discrimination. Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail. L’infraction est également constituée : a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ; b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.

Par ailleurs, un nouveau pan de la littérature portant sur le harcèlement sexuel à l’égard de l’orientation et de l’identité sexuelles prend de plus en plus d’importance, notamment en Australie, où la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle est interdite.

La violence entre partenaires intimes, aussi appelée violence conjugale, est un phénomène que l’on retrouve dans la littérature portant sur la violence au travail et qui est étudié sous différents angles. En effet, dans certains cas, cette forme de violence peut survenir en milieu de travail lorsque, par exemple, un conjoint commet un acte de violence envers sa partenaire intime sur le lieu de travail. Dans d’autres cas, la violence conjugale peut engendrer des conséquences qui se répercutent dans le travail. Ainsi, il arrive que la violence commise par un partenaire intime dans la sphère personnelle nuise à la capacité de la travailleuse à exercer son travail ou à conserver son emploi. La violence entre partenaires intimes, peu importe l’endroit où elle se déroule, peut avoir un impact négatif sur les habiletés de la victime à se rendre au travail, à y demeurer et à travailler convenablement. À ce sujet, certaines études documentent comment la performance au travail des victimes de violence conjugale peut être influencée négativement par la violence commise à l’extérieur du travail. Ces deux facettes de la violence entre partenaires intimes et de sa relation avec le travail font l’objet de débats quant aux protections réglementaires du droit du travail nécessaires pour assurer, d’une part, la sécurité des victimes et, d’autre part, leur capacité à se maintenir en emploi dans un milieu de travail. D’autres études s’intéressent aux effets de l’exposition à la surcharge de travail sur le risque que les travailleurs adoptent des comportements violents à la maison, ou encore aux pratiques organisationnelles pour gérer les cas d’employés faisant preuve de violence conjugale à l’extérieur du milieu de travail.

La violence physique en milieu de travail, y compris les homicides, les diverses formes d’agressions et les menaces de violence, peut avoir un caractère criminel. Dans certains cas, le traitement de telles situations peut relever de la compétence de la législation criminelle, bien que la mise en œuvre du droit pénal dans les milieux de travail soit, dans de nombreux secteurs, exceptionnelle. Dans les secteurs des soins de santé ou de l’éducation, par exemple, la violence physique commise par des usagers ou des étudiants est souvent normalisée dans les milieux de travail, perçue comme faisant partie du travail. Il est donc peu commun que des plaintes soient portées au criminel. De plus, dans les cas de jeunes enfants ou d’adultes jugés légalement inaptes, il est très rare que les lois criminelles s’appliquent.

Cela dit, dans certains pays, tels les États-Unis, le crime violent est le centre d’intérêt premier dans la littérature portant sur la violence au travail. Aussi, les études menées principalement dans le domaine de la criminologie abordent plus fréquemment les problèmes sous l’angle de la prévention des crimes que sous celui de la santé au travail. Une étude de Statistique Canada portant sur les victimes d’actes criminels en milieu de travail en 2004 a révélé que 37 % des incidents violents en milieu de travail avaient été signalés à la police, et que les victimes de sexe masculin étaient beaucoup plus susceptibles que les victimes féminines de déclarer les incidents violents à la police. Les auteurs de cette étude suggèrent que ce résultat pourrait s’expliquer par le fait que les hommes présentent plus fréquemment des blessures physiques, alors que les femmes sont davantage victimes d’agression sexuelle, et que ce type d’agression a un faible taux de dénonciation à la police. Toujours selon cette même étude, 66 % des incidents de violence en milieu de travail ont été perpétrés par une personne connue de la victime, et 18 % ont été commis par un·e collègue de travail, les autres incidents étant majoritairement commis par une personne connue, mais extérieure à l’organisation, tels un·e ex-conjoint·e ou un·e voisin·e.

La « violence systémique » réfère à la « violence produite par l’organisation du travail », et signifie que la structure de l’organisation peut avoir des caractéristiques qui rendent les travailleurs susceptibles de vivre ou de commettre de la violence.

Le terme « violence structurelle » a été employé, quant à lui, pour identifier la charge de travail élevée, le faible degré d’autonomie décisionnelle au travail, le faible statut hiérarchique, les procédures de travail rigides et le faible soutien relationnel, comme des formes de violence au travail. Une étude canadienne menée auprès de travailleurs du domaine de la santé montre que ces conditions de travail sont non seulement néfastes pour la santé physique et psychologique des travailleurs, mais elles limiteraient aussi la capacité des travailleurs à fournir la qualité des soins qu’ils savent qu’ils sont capables de fournir. Ces mêmes auteurs·trices ont également amené le concept de « violence épistémologique » en tentant d’expliquer ce qui incitait les usagers des établissements de soins de longue durée à faire preuve de violence à l’égard des travailleurs·euses de la santé. Les chercheurs·euses concluent qu’il existe des liens entre la rationalisation des services offerts aux usagers en contexte de restructuration des services de santé et l’augmentation des cas de violence perpétrés à l’endroit des travailleurs·euses de la santé.

Récemment, les chercheurs·euses et les législateurs·trices ont porté leur attention sur la cyberintimidation, qui consiste à utiliser les technologies de communication, telles qu’Internet, les sites de réseautage social, les sites Web, le courriel, la messagerie texte (SMS) et la messagerie instantanée pour intimider une personne à répétition. La cyberintimidation est une nouvelle forme de violence psychologique et, dans certains cas, de violence sexuelle. Il s’agit d’agissements tels que l’envoi de courriels agressifs ou menaçants, la publication sur le Web d’informations à caractère sexuel explicite, et la propagation de rumeurs malveillantes sur les réseaux sociaux. La majorité de ces travaux étudient la violence faite contre les femmes, ou encore la cyberintimidation dans les écoles, mais peu se sont intéressés aux liens entre la violence basée sur la technologie et le travail.

Il existe quelques études portant sur la cyberintimidation dans les milieux de travail, notamment en Inde, en Suède et en Australie. À titre d’exemple, une étude menée auprès des salariés·es de plusieurs universités du Royaume-Uni révèle que la cyberintimidation au moyen de courriels, de SMS et d’affichages sur le Web est aussi courante au travail que le harcèlement psychologique « classique ». D’autres études incluent la violence commise à l’aide d’une technologie traditionnelle, soit le téléphone. Par exemple, les femmes travaillant dans des centres d’appel en Allemagne seraient, selon une étude, plus susceptibles de subir du harcèlement sexuel de la part de la clientèle que leurs collègues masculins. Aussi, le personnel français travaillant dans les départements de service à la clientèle, ainsi que les travailleurs de centres d’appel en Chine, présentent un plus grand risque de subir de la violence de la part de la clientèle. Enfin, une autre étude conclut que les agressions à teneur raciale seraient aussi un risque du travail dans les centres d’appel.

La documentation sur la violence traite également d’autres formes d’agression en milieu de travail, y compris l’incivilité. Certaines de ces catégories peuvent être considérées comme des facteurs de risque psychosociaux, précurseurs d’autres formes de violence professionnelle.